Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/9

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M. du Failly, puis M. du Failly de Malzonvilliers, puis enfin M. de Malzonvilliers tout court. Maintenant, il n’attendait plus que l’occasion favorable de se donner un titre, baron ou chevalier. À l’époque où ses affaires nécessitaient de fréquents voyages dans la province, et souvent même jusqu’à Paris, M. de Malzonvilliers avait maintes fois confié la gestion de ses biens à Guillaume Grinedal, qui passait pour le plus honnête artisan de Saint-Omer. Cette confiance, dont M. de Malzonvilliers s’était toujours bien trouvé, avait établi entre le fauconnier et le traitant des relations intimes et journalières, qui profitèrent aux trois enfants, Jacques, Claudine et Pierre. Suzanne, qui était à peu près de l’âge de Claudine, avait des maîtres de toute espèce, et les leçons servaient à tout le monde, si bien que les fils du père Guillaume en surent bientôt plus long que la moitié des petits bourgeois de Saint-Omer.

Jacques profitait surtout de cet enseignement ; comme il avait l’esprit juste et persévérant, il s’acharnait aux choses jusqu’à ce qu’il les eût comprises. On le rencontrait souvent par les champs, la tête nue, les pieds dans des sabots et un livre à la main, et il ne le lâchait pas qu’il ne se le fût bien mis dans la tête. Une seule chose pouvait le détourner de cette occupation, c’était le plaisir qu’il goûtait à voir son père manier les vieilles armes qu’on lui apportait des quatre coins de la ville et des châteaux du voisinage pour les remettre en état. Guillaume Grinedal était le meilleur arquebusier du canton ; c’était un art qu’il avait appris au temps où il était maître de fauconnerie chez M. d’Assonville, et qui lui aurait rapporté beaucoup d’argent s’il avait voulu l’exercer dans l’espoir du gain. Mais, dans sa condition, il agissait en artiste, ne voulant pas autre chose que le juste salaire de son travail, qu’il estimait toujours moins qu’il ne valait. Jacques s’amusait souvent à l’aider, et lorsqu’il avait fourbi un haubert ou quelque épée, il s’estimait le plus heureux garçon du pays,