Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/18

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à la terre de Flaubert et de Maupassant, il vient se reposer en travaillant ; c’est là qu’il acheva ce livre magistral Bonaparte et le Directoire, qui éclaire de la plus éclatante lumière et fixe à jamais les retentissants débuts de la légende napoléonienne, et c’est là qu’il termine les trois derniers volumes de cette œuvre colossale, qui va de la chute de la royauté aux traités de 1815.

C’est de cette demeure tranquille et accueillante que je me souvenais en sonnant à l’appartement de la rue d’Assas, où, depuis qu’il n’est plus secrétaire général du Sénat, habite M. Albert Sorel, car mes yeux en garderont toujours l’image délicieuse. Pourtant, là aussi, à deux pas du Luxembourg, je retrouvais le même calme provincial. Comme j’étais loin du boulevard, de ses potins et de sa turbulence, et comme soudain ces quelques mètres de macadam, qui s’étendent de la rue Drouot à l’Opéra, et qui semblent si importants quand on les foule, devenaient insignifiants ! Par la fenêtre du cabinet, j’apercevais les arbres dénudés du jardin, et le ciel gris où s’amassaient des nuages. Trois bibliothèques chargées de livres cachaient le mur du fond ; sur la cheminée, un Molière méditait ; sur le mur de droite, au-dessus du belliqueux portrait de son fils, en uniforme de fantassin de deuxième classe, des marines de Boudin s’accrochaient, femmes de matelots cherchant au loin le bateau surpris par la tempête, bateaux quittant le port, quais tumultueux et grouillants au retour de la pêche ; et plus loin,