Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/20

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J’esquissai un geste vague d’ignorance, et nous ne pûmes nous empêcher de rire. Ce rire me sauva.

— Puisque votre livre vient de paraître, lui dis-je, le plus simple est de parler d’abord de lui et de votre œuvre. Comme au bout de quelques instants, les conversations les plus sérieuses s’égarent toujours vers des sujets différents de ceux qui les provoquèrent, nous n’aurons…

Des deux mains, M. Sorel approuva.

— J’ai lu tout récemment La Grande Falaise, votre premier roman, lui dis-je, car vous avez débuté dans la littérature par le roman, n’est-ce pas ? L’action se déroule en pleine Terreur, et les personnages sont des émigrés et des républicains. Je me suis demandé s’il n’y avait pas, dans ces trois cents pages, comme le germe de vos études historiques, et si ce n’était pas en étudiant la Révolution, pour documenter des romans, que vous aviez été amené à l’étudier pour elle-même.

M. Sorel s’étonna : « Comment ! vous avez lu La Grande Falaise ? » et comme je m’étonnais qu’il s’étonnât, il reprit :

— Mon Dieu ! en me consacrant à l’histoire, je n’ai pas abandonné le roman. L’historien est aussi un romancier : il raconte. Quand vous écrivez un roman — je ne parle pas d’un roman de pure fantaisie — vous dépeignez des hommes dans un milieu, à une époque donnés… ce milieu, cette époque, il faut que vous les connaissiez ; ces hommes, vous les avez vus, tout au moins vous