Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/29

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tissent mieux la justice et la liberté, et dont vous-même vous profitez ?

Ma surprise ne s’évanouit pas ; elle augmente et elle se peint sur ma figure, et aussi le doute que je conserve sur l’excellence de ce progrès et sur la possibilité de ces chimères, et je ne parviens pas à m’empêcher de murmurer :

— Je ne crois pas qu’il y ait, aujourd’hui, plus de justice ou plus de liberté. Au contraire…

Vive, enthousiaste, obstinée à me convaincre, Mme  de Noailles m’interrompt :

— Si, si. Tenez, ces malheureux Espagnols de la Mano Negra, depuis quinze jours, ils sont libres, et c’est aux socialistes qu’ils le doivent. N’est-ce pas admirable, ce résultat ? Vous ne pouvez pas le nier, et vous ne nierez pas non plus que la science seule nous permettra de réformer la société selon des règles certaines. N’est-ce pas elle qui nous apporte la vérité absolue et qui délivre la foule de l’erreur ?

— Il n’y a pas de vérité absolue, fais-je en secouant la tête, et je ne comprends pas qu’il y ait des hommes assez orgueilleux pour s’imaginer la posséder et surtout vouloir l’imposer aux autres. Pour moi, je n’admettrai jamais qu’un de mes semblables m’oblige à penser comme lui.

Peut-être ai-je mis un peu d’excitation à prononcer ces mots. Mme  de Noailles reste un instant muette, puis un sourire éblouissant découvre ses dents :

— Vous êtes celui qui ne veut pas qu’on