Page:Acker - Petites Confessions, sér1, éd3.djvu/32

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ou quatre mois, près d’Évian, dans une propriété. Je ne veux pas en connaître davantage. Il m’est arrivé d’aller dans le Midi et d’approcher de la frontière italienne, — et j’ai souffert, comme d’un mal physique, des changements que je percevais déjà. Je n’ai pas besoin d’aller au loin chercher la nature. Je la trouve partout et je l’aime partout. Le soir plus qu’à toute heure, car c’est le soir où elle possède le plus de moments émouvants, et où elle est tout à la fois autour de moi comme un isolement et un être vivant. Je l’aime pour mille raisons, si complexes que les mots me fuient. Je l’aime pour tout ce qu’elle a, en ses différentes phases, de correspondant avec l’état humain, et je l’aime encore parce qu’étant le calme, le repos, la vie interrompue, elle renferme toutes les possibilités.

Comme le poète ressemble en cet instant à la jeune socialiste ! Ce sont les mêmes yeux brillants, la même parole emportée, la même précipitation des pensées. Elle a pour le monde des plantes la même tendresse enthousiaste que pour le monde des hommes. Tout de même, je lui rappelle les railleries dont quelques critiques l’accablèrent pour avoir dans ses vers chanté la courge, la salade, la citrouille, le haricot. Ces souvenirs l’amusent ; elle rit, puis, subitement sérieuse, elle répond :

— Eh bien ! il y a dans Werther un moment où il est parlé du chou, c’est sublime. J’aime de la nature, voyez-vous, tout ce qu’elle a de favorable