Page:Adam - Souvenirs d’un musicien.djvu/45

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vint me remercier quelques jours après, il venait d’entrer dans les ateliers nationaux, et gagnait 40 sous par jour à ne rien faire. Une négresse, qui nous servait depuis un an, voulut à toute force rester, ne voulant pas être payée, disait-elle, parce qu’elle nous aimait trop et ne pouvait quitter ma petite fille âgée de 18 mois et qu’elle avait sevrée.

J’y consentis, et au bout de trois ans, quand, après bien des privations, j’avais 1,000 francs devant moi, elle nous les vola et nous fit 500 fr. de dettes chez les fournisseurs. J’appris à mes dépens à connaître le dévouement désintéressé des nègres. La police républicaine ne put jamais la faire arrêter, et peu de temps après je rencontrai ma fidèle négresse, tranquille, et promenant un enfant à des maîtres à qui elle a dû faire la même chose qu’à moi.

J’obtins de mon propriétaire la résiliation de mon bail, mais je lui devais 1,500 fr. Je lui offris en paiement un piano d’Érard qui valait 3,000 fr., il refusa, et je lui donnai en nantissement une assurance sur la vie de mon fils, mais il fallait attendre deux ans pour qu’elle expirât. Mon fils vécut assez pour que je pusse toucher cette somme et m’acquitter. Je vendis toute mon argenterie, tous les bijoux, mes meubles ; je mis au Mont de Piété quelques souvenirs dont je ne voulais pas me séparer, entr’autres une tabatière ornée de diamants, dernier