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DANTE ET GŒTHE.

les doctrines, les passions, et surtout les terreurs du moyen âge. Dans Faust, la postérité la plus reculée sentira les conflits, les angoisses, les défaillances, mais surtout l’espoir intrépide de la génération qui vit le jour à la limite du xviiie et du xixe siècle, dans ce moyen âge nouveau entre une société qui finit et une société qui commence, entre la dissolution et la renaissance d’un monde.

Mais cette représentation, cette image d’un siècle, elle va prendre, selon le génie qui l’a conçue, un tempérament de race et de nationalité. Par Dante, elle sera latine et toscane ; de Gœthe, elle recevra le souffle de la vie germanique ; car, notez bien cette similitude, on a pu dire avec une égale justesse, de Gœthe, qu’il était le plus allemand des Allemands ; de Dante, qu’il était le plus italien des Italiens qui furent jamais.

Ce n’est pas tout. Malgré ce grand air de race et de nationalité qu’ils donnent à leur création, ni Dante ni Gœthe n’y disparaissent, comme l’ont fait dans leurs poèmes Homère, Virgile, Lucrèce, et plus tard Camoëns, Milton, Klopstock. Bien au contraire, Dante entre en scène dès les premières lignes de sa Comédie : il en est l’acteur principal ; Virgile et Béatrice le conduisent ; les réprouvés et les élus s’entretiennent avec lui ; il reconnaît, dans l’enfer, dans le purgatoire et dans le paradis, ses amis et ses proches ; on lui prédit sa gloire future. Il est enfin le seul lien entre les personnages épisodiques qui passent devant nos yeux et l’intérêt, la réalité sensible de ce merveilleux voyage à travers l’éternité, ce sont les impressions du voya-