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PREMIER DIALOGUE.

surpassait Rome en population, était le lieu privilégié des compagnies agréables. L’amour, la poésie amoureuse, y semblaient, même aux hommes les plus graves, la principale affaire. Seton Dante, qui devait le savoir, la poésie italienne avait pour origine le désir de dire, d’amour aux femmes qui n’entendaient pas le latin ; Dante ajoute qu’il était malséant d’y parler d’autre chose. La beauté, à qui les chroniqueurs florentins rapportaient la première occasion des guerres civiles, y était, comme dans Athènes, l’objet d’un culte. Les femmes intervenaient partout, même dans les délibérations guerrières. Leurs bonnes grâces étaient le prix suprême ambitionné par la valeur et par le talent. À l’âge de neuf ans, sans étonner personne, Dante tombait éperdument épris d’une enfant de même âge. À dix-huit ans, fidèle et malheureux, il célébrait ses amours dans un énigmatique sonnet qu’il adressait aux poëtes de son temps, en les provoquant à des réponses rimées. Et les artisans de Florence, plus cultivés dans leur petite cité que ne le sont aujourd’hui ceux des plus grandes capitales, charmaient leur travail en récitant ou en chantant ces sonnets, ces canzoni qui les intéressaient à la vie intime de leurs concitoyens fameux.

On aurait peine à se figurer chez nous, où le sentiment de la beauté est le partage d’un si petit nombre de personnes, l’exquise sensibilité de la population florentine pour les arts, et son enthousiasme pour le talent. Quand je lis les récits contemporains, il me semble le voir, ce peuple aimable, transporte d’admi-