Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/112

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Révolution. À mesure que les passions populaires commencent à s’enflammer, le parlement se mêle avantage à la politique ; et comme, dans le même temps, le pouvoir central et ses agents deviennent plus expérimentés et plus habiles, ce même parlement s’occupe de moins en moins de l’administration proprement dite ; chaque jour, moins administrateur et plus tribun.

Le temps, d’ailleurs, ouvre sans cesse au gouvernement central de nouveaux champs d’action où les tribunaux n’ont pas l’agilité de le suivre ; car il s’agit d’affaires nouvelles sur lesquelles ils n’ont pas de précédents et qui sont étrangères à leur routine. La société, qui est en grand progrès, fait naître à chaque instant des besoins nouveaux, et chacun d’eux est pour lui une source nouvelle de pouvoir ; car lui seul est en état de les satisfaire. Tandis que la sphère administrative des tribunaux reste fixe, la sienne est mobile et s’étend sans cesse avec la civilisation même.

La Révolution, qui approche et commence à agiter l’esprit de tous les Français, leur suggère mille idées nouvelles que lui seul peut réaliser ; avant de le renverser, elle le développe. Lui-même se perfectionne comme tout le reste. Cela frappe singulièrement quand on étudie ses archives. Le contrôleur-général et l’intendant de 1790 ne ressemblent plus à l’intendant et au contrôleur-général de 1740 ; l’administration est transformée. Ses agents sont les mêmes, un autre esprit les meut. À mesure qu’elle est devenue plus détaillée, plus étendue, elle est aussi devenue plus régulière et plus