Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/122

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ments de finance, disent-ils, est telle, qu’elle ne permet pas à un officier municipal, fût-il inamovible, de faire autre chose qu’étudier les nouveaux règlements, à mesure qu’ils paraissent, jusqu’au point d’être obligé de négliger ses propres affaires. »

Lors même que la loi n’était pas changée, la manière de l’appliquer variait tous les jours. Quand on n’a pas vu l’administration de l’ancien régime à l’œuvre, en lisant les documents secrets qu’elle a laissés, on ne saurait imaginer le mépris où finit par tomber la loi, dans l’esprit même de ceux qui l’appliquent, lorsqu’il n’y a plus ni assemblée politique, ni journaux, pour ralentir l’activité capricieuse et borner l’humeur arbitraire et changeante des ministres et de leurs bureaux.

On ne trouve guère d’arrêts du conseil qui ne rappellent des lois antérieures, souvent de date très-récente, qui ont été rendues, mais non exécutées. Il n’y a pas, en effet, d’édit, de déclaration du roi, de lettres patentes solennellement enregistrées qui ne souffrent mille tempéraments dans la pratique. On voit par les lettres des contrôleurs-généraux et des intendants que le gouvernement permet sans cesse de faire par exception autrement qu’il n’ordonne. Il brise rarement la loi, mais chaque jour il la fait plier doucement dans tous les sens, suivant les cas particuliers et pour la grande facilité des affaires.

L’intendant écrit au ministre à propos d’un droit d’octroi auquel un adjudicataire des travaux de l’État voulait se soustraire : « Il est certain qu’à prendre à