Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/137

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délivrer des gênes qui sont préjudiciables à leurs intérêts aussi bien qu’à la liberté du commerce ».

Le nombre des usines, manufactures, hauts-fourneaux, s’était tellement accru dans Paris, aux approches de la Révolution, que le gouvernement finit par s’en alarmer. La vue de ce progrès le remplissait de plusieurs craintes fort imaginaires. On trouve, entre autres, un arrêt du conseil de 1782, où il est dit que « le Roy, appréhendant que la multiplication rapide des manufactures n’amenât une consommation de bois qui devînt préjudiciable à l’approvisionnement de la ville, prohibe désormais la création d’établissements de cette espèce dans un rayon de quinze lieues autour d’elle ». Quant au danger véritable qu’une pareille agglomération pouvait faire naître, personne ne l’appréhendait.

Ainsi Paris était devenu le maître de la France, et déjà s’assemblait l’armée qui devait se rendre maîtresse de Paris.

On tombe assez d’accord aujourd’hui, ce me semble, que la centralisation administrative et l’omnipotence de Paris sont pour beaucoup dans la chute de tous les gouvernements que nous avons vus se succéder depuis quarante ans. Je ferai voir sans peine qu’il faut attribuer au même fait une grande part dans la ruine soudaine et violente de l’ancienne monarchie, et qu’on doit le ranger parmi les principales causes de cette révolution première qui a enfanté toutes les autres.