Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/157

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ristocratie ouverte de l’Angleterre. Louis XI avait, en effet, multiplié les anoblissements : c’était un moyen d’abaisser la noblesse ; ses successeurs les prodiguèrent pour avoir de l’argent. Necker nous apprend que, de son temps, le nombre des offices qui procuraient la noblesse s’élevait à quatre mille. Rien de pareil ne se voyait nulle part en Europe ; mais l’analogie que voulait établir Burke entre la France et l’Angleterre n’en était que plus fausse.

Si les classes moyennes d’Angleterre, loin de faire la guerre à l’aristocratie, lui sont restées si intimement unies, cela n’est pas venu surtout de ce que cette aristocratie était ouverte, mais plutôt, comme on l’a dit, de ce que sa forme était indistincte et sa limite inconnue ; moins de ce qu’on pouvait y entrer que de ce qu’on ne savait jamais quand on y était ; de telle sorte que tout ce qui l’approchait pouvait encore en faire partie, s’associer à son gouvernement et tirer quelque éclat ou quelque profit de sa puissance.

Mais la barrière qui séparait la noblesse de France des autres classes, quoique très-facilement franchissable, était toujours fixe et visible, toujours reconnaissable à des signes éclatants et odieux à qui restait dehors. Une fois qu’on l’avait franchie, on était séparé de tous ceux du milieu desquels on venait de sortir par des privilèges qui leur étaient onéreux et humiliants.

Le système des anoblissements, loin de diminuer la haine du roturier contre le gentilhomme, l’accroissait