Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/159

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ses voisins, était presque infinie. Elle n’avait cessé de croître à mesure que son pouvoir politique avait diminué, et par cette raison même ; car, d’une part, cessant de gouverner, il n’avait plus d’intérêt à ménager ceux qui pouvaient l’aider dans cette tâche, et, de l’autre, comme on l’a remarqué souvent, il aimait à se consoler, par l’usage immodéré de ses droits apparents, de la perte de sa puissance réelle. Son absence même de ses terres, au lieu de soulager ses voisins, augmentait leur gêne. L’absentéisme ne servait pas même à cela ; car des privilèges exercés par procureur n’en étaient que plus insupportables à endurer.

Je ne sais néanmoins si la taille, et tous les impôts qu’on avait assimilés à celui-là, ne furent pas des causes plus efficaces.

Je pourrais expliquer, je pense, et en assez peu de mots, pourquoi la taille et ses accessoires pesaient beaucoup plus lourdement sur les campagnes que sur les villes ; mais cela paraîtra peut-être inutile au lecteur. Il me suffira donc de dire que les bourgeois réunis dans les villes avaient mille moyens d’atténuer le poids de la taille, et souvent de s’y soustraire entièrement, qu’aucun d’eux n’eût eus isolément, s’il était resté sur son domaine. Ils échappaient surtout de cette manière à l’obligation de lever la taille, ce qu’ils craignaient bien plus encore que l’obligation de la payer, et avec raison ; car il n’y eut jamais, dans l’ancien régime, ni même, je pense, dans aucun régime, de pire condition que celle du collecteur paroissial de la taille. J’aurai occasion de