Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/262

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détruite en France, qu’on y avait presque entièrement oublié quelles étaient ses conditions et ses effets. Bien plus, les débris informes qui en restaient encore, et les institutions qui semblaient avoir été faites pour la suppléer, la rendaient suspecte et donnaient souvent des préjugés contre elle. La plupart des assemblées d’États qui existaient encore gardaient, avec les formes surannées, l’esprit du moyen-âge, et gênaient le progrès de la société loin d’y aider ; les parlements, chargés seuls de tenir lieu de corps politiques, ne pouvaient empêcher le mal que le gouvernement faisait, et souvent empêchaient le bien qu’il voulait faire.

L’idée d’accomplir la révolution qu’ils imaginaient à l’aide de tous ces vieux instruments, paraît aux économistes impraticable ; la pensée de confier l’exécution de leurs plans à la nation devenue sa maîtresse leur agrée même fort peu ; car comment faire adopter et suivre par tout un peuple un système de réforme si vaste et si étroitement lié dans ses parties ? Il leur semble plus facile et plus opportun de faire servir à leurs desseins l’administration royale elle-même.

Ce pouvoir nouveau n’est pas sorti des institutions du moyen âge ; il n’en porte point l’empreinte ; au milieu de ses erreurs, ils démêlent en lui certains bons penchants. Comme eux, il a un goût naturel pour l’égalité des conditions et pour l’uniformité des règles ; autant qu’eux-mêmes, il hait au fond du cœur tous les anciens pouvoirs qui sont nés de la féodalité ou qui tendent vers l’aristocratie. On chercherait en vain dans