Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/274

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sante, est aujourd’hui sans industrie, » dit l’autre. Celui-ci : « Il y a eu des manufactures dans la province, mais elles sont aujourd’hui abandonnées. » Celui-là : « Les habitants tiraient autrefois beaucoup plus de leur sol qu’à présent ; l’agriculture y était infiniment plus florissante il y a vingt ans. » — « La population et la production ont diminué d’un cinquième depuis environ trente ans, » disait un intendant d’Orléans dans le même temps. On devrait conseiller la lecture de ces Mémoires aux particuliers qui prisent le gouvernement absolu et aux princes qui aiment la guerre.

Comme ces misères avaient principalement leur source dans les vices de la constitution, la mort de Louis XIV et la paix même ne firent pas renaître la prospérité publique. C’est une opinion commune à tous ceux qui écrivent sur l’administration ou sur l’économie sociale, dans la première moitié du dix-huitième siècle, que les provinces ne se rétablissent point ; beaucoup pensent même qu’elles continuent à se ruiner. Paris seul, disent-ils, s’enrichit et s’accroît. Des intendants, d’anciens ministres, des hommes d’affaires, sont d’accord sur ce point avec des gens de lettres.

Pour moi, j’avoue que je ne crois point à cette décadence continue de la France durant la première moitié du dix-huitième siècle ; mais une opinion si générale, que partagent des gens si bien informés, prouve du moins qu’on ne faisait alors aucun progrès visible. Tous les documents administratifs qui se rapportent à cette époque de notre histoire, et qui me sont tombés sous les