Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/278

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abandonner à ses seuls ministres cette partie du gouvernement ; il s’en chargeait parfois lui-même. Lorsqu’en 1776 un arrêt du conseil vint fixer les indemnités qui seraient dues aux paysans dont le gibier du roi dévastait les champs aux environs des capitaineries, et indiqua des moyens simples et sûrs de se les faire payer, le roi rédigea lui-même les considérants. Turgot nous raconte que ce bon et malheureux prince les lui remit écrits de sa main, en disant : « Vous voyez que je travaille aussi de mon côté. » Si l’on peignait l’ancien régime tel qu’il était dans les dernières années de son existence, on en ferait un portrait très-flatté et peu ressemblant.

À mesure que ces changements s’opèrent dans l’esprit des gouvernés et des gouvernants, la prospérité publique se développe avec une rapidité jusque-là sans exemple. Tous les signes l’annoncent : la population augmente ; les richesses s’accroissent plus vite encore. La guerre d’Amérique ne ralentit pas cet essor ; l’État s’y obère, mais les particuliers continuent à s’enrichir ; ils deviennent plus industrieux, plus entreprenants, plus inventifs.

« Depuis 1774, dit un administrateur du temps, les divers genres d’industrie, en se développant, avaient agrandi la matière de toutes les taxes de consommation. » Quand on compare, en effet, les uns aux autres les traités faits, aux différentes époques du règne de Louis XVI, entre l’État et les compagnies financières chargées de la levée des impôts, on voit que le prix des