Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/312

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La loi nouvelle renfermait, d’ailleurs, un grand vice, qui seul eût suffi, surtout au début, pour en rendre l’exécution difficile : tous les pouvoirs qu’elle créait étaient collectifs.

Sous l’ancienne monarchie, on n’avait jamais connu que deux façons d’administrer : dans les lieux où l’administration était confiée à un seul homme, celui-ci agissait sans le concours d’aucune assemblée ; là où il existait des assemblées, comme dans les pays d’États ou dans les villes, la puissance exécutive n’était confiée à personne en particulier ; l’assemblée non-seulement gouvernait et surveillait l’administration, mais administrait par elle-même ou par des commissions temporaires qu’elle nommait.

Comme on ne connaissait que ces deux manières d’agir, dès qu’on abandonna l’une, on adopta l’autre. Il est assez étrange que, dans le sein d’une société si éclairée, et où l’administration publique jouait déjà depuis longtemps un si grand rôle, on ne se fût jamais avisé de réunir les deux systèmes, et de distinguer, sans les disjoindre, le pouvoir qui doit exécuter de celui qui doit surveiller et prescrire. Cette idée, qui paraît si simple, ne vint point ; elle n’a été trouvée que dans ce siècle. C’est, pour ainsi dire, la seule grande découverte en matière d’administration publique qui nous soit propre. Nous verrons la suite qu’eut la pratique contraire, quand, transportant dans la politique les habitudes administratives et obéissant à la tradition de l’ancien régime tout en détestant celui-ci, on appliqua dans la