Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/384

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les ont forcés à soutenir, au nom de la ville, des procès devant les différentes juridictions, Parlement ou conseil du roi, afin de résister à l’oppression sous laquelle on les fait gémir. L’expérience et l’exercice de trente ans leur apprennent que la vie de l’homme est à peine suffisante pour se parer des embûches et des pièges que les commis de toutes les parties des fermes tendent sans cesse au citoyen pour conserver leurs commissions. »

Ce qui est curieux, c’est que toutes ces choses sont écrites au contrôleur-général lui-même, et pour le rendre favorable au maintien des privilèges de ceux qui les lui disent, tant l’habitude était bien prise de regarder les compagnies chargées de lever l’impôt comme un adversaire sur lequel on pouvait tomber de tous côtés sans que personne le trouvât mauvais. C’est cette habitude qui, s’étendant et se fortifiant de plus en plus, finit par faire considérer le fisc comme un tyran odieux et de mauvaise foi, non l’agent de tous, mais l’ennemi commun.

« La réunion de tous les offices, ajoute le même Mémoire, a été faite une première fois au corps de ville par un arrêt du conseil du 4 septembre 1694, moyennant une somme de 22,000 livres, » c’est-à-dire que les offices ont été rachetés cette année-là pour cette somme. Par arrêt du 26 avril 1723, on a encore réuni au corps de ville les offices municipaux créés par l’édit du 24 mai 1722 ; en d’autres termes, on a admis la ville à les racheter. Par un autre arrêt du 24 mai 1723, on a permis à la ville d’emprunter 120,000 livres pour l’acquisition desdits offices. Un autre arrêt du 26 juillet 1728 a permis d’emprunter 50,000 livres pour le rachat des offices de greffier secrétaire de l’hôtel de ville. « La ville, est-il dit dans le Mémoire, a payé ces finances pour conserver la liberté de ses élections et faire jouir ses officiers élus, les uns pour deux ans, les autres à vie, des différentes prérogatives attachées à leur charge. »