Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/47

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stance, en France et en Angleterre, et je ne manquais pas de l’y retrouver en effet. Chacun de ces trois peuples m’aidait à mieux comprendre les deux autres.

Chez tous les trois, le gouvernement est conduit d’après les mêmes maximes, les assemblées politiques formées des mêmes éléments et munies des mêmes pouvoirs. La société y est divisée de la même manière, et la même hiérarchie se montre entre les différentes classes ; les nobles y occupent une position identique ; ils ont mêmes privilèges, même physionomie, même naturel : ce ne sont pas des hommes différents, ce sont proprement partout les mêmes hommes.

Les constitutions des villes se ressemblent ; les campagnes sont gouvernées de la même manière. La condition des paysans est peu différente ; la terre est possédée, occupée, cultivée de même, le cultivateur soumis aux mêmes charges. Des confins de la Pologne à la mer d’Irlande, la seigneurie, la cour du seigneur, le fief, la censive, les services à rendre, les droits féodaux, les corporations, tout se ressemble. Quelquefois les noms sont les mêmes, et, ce qui est plus remarquable encore, un seul esprit anime toutes ces institutions analogues. Je crois qu’il est permis d’avancer qu’au quatorzième siècle les institutions sociales, politiques, administratives, judiciaires, économiques et littéraires de l’Europe, avaient plus de ressemblance entre elles qu’elles n’en ont peut-être même de nos jours, où la civilisation semble avoir pris soin de frayer tous les chemins et d’abaisser toutes les barrières.