Page:Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution, Lévy, 1866.djvu/98

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paroisses. Ministres, intendants, subdélégués, gentilshommes même, tous le déplorent sans cesse ; mais aucun ne remonte aux causes.

Jusqu’à la Révolution, la paroisse rurale de France conserve dans son gouvernement quelque chose de cet aspect démocratique qu’on lui avait vu dans le moyen-âge. S’agit-il d’élire des officiers municipaux ou de discuter quelque affaire commune : la cloche du village appelle les paysans devant le porche de l’église ; là, pauvres comme riches ont le droit de se présenter. L’assemblée réunie, il n’y a point, il est vrai, de délibération proprement dite ni de vote ; mais chacun peut exprimer son avis, et un notaire, requis à cet effet et instrumentant en plein vent, recueille les différents dires et les consigne dans un procès-verbal.

Quand on compare ces vaines apparences de la liberté avec l’impuissance réelle qui y était jointe, on découvre déjà en petit comment le gouvernement le plus absolu peut se combiner avec quelques-unes des formes de la plus extrême démocratie, de telle sorte qu’à l’oppression vienne encore s’ajouter le ridicule de n’avoir pas l’air de la voir. Cette assemblée démocratique de la paroisse pouvait bien exprimer des vœux, mais elle n’avait pas plus le droit de faire sa volonté que le conseil municipal de la ville. Elle ne pouvait même parler que quand on lui avait ouvert la bouche ; car ce n’était jamais qu’après avoir sollicité la permission expresse de l’intendant, et, comme on le disait alors, appliquant le mot à la chose, sous son bon plaisir, qu’on pouvait la