Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/343

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— C’est assez gentil, mordieu ! cela me rappelle le siège de Casal ; mais tais-toi, petite ; je n’ai pas encore entendu venir l’abbé Quillet ; cela m’inquiète ; il faut qu’il soit arrivé avant nos deux jeunes gens, et depuis longtemps…

Laura, qui avait peur d’être envoyée seule sur la place Saint-Eustache, lui dit qu’elle était bien sûre que l’abbé était entré tout à l’heure, et continua :

 
Ombrose selve, ove percote il sole
Che vi fa co’ suoi reggi alte e superbe.


— Hon ! dit en grommelant le bonhomme, j’ai les pieds dans la neige et une gouttière dans l’oreille ; j’ai le froid sur la tête et la mort dans le cœur, et tu ne me chantes que des violettes, du soleil, des herbes et de l’amour : tais-toi !

Et, s’enfonçant davantage sous l’ogive du temple, il laissa tomber sa vieille tête et ses cheveux blanchis sur ses deux mains, pensif et immobile. Laura n’osa plus lui parler.

Mais pendant que sa femme de chambre était allée trouver Grandchamp, la jeune et tremblante Marie avait poussé, d’une main timide, la porte battante de l’église : elle avait rencontré là Cinq-Mars, debout, déguisé, et attendant avec inquiétude. À peine l’eut-elle reconnu qu’elle marcha d’un pas précipité dans le temple, tenant son masque de velours sur son visage, et courut se réfugier dans un confessionnal, tandis que Henry refermait avec soin la porte de l’église qu’elle avait franchie. Il s’assura qu’on ne pouvait l’ouvrir du dehors, et vint après elle s’agenouiller, comme d’habitude, dans le lieu de la pénitence. Arrivé une heure avant elle avec son vieux valet, il avait trouvé cette porte ouverte, signe certain et convenu que l’abbé Quillet, son gouverneur, l’attendait