Page:Anatole France - Discours prononcé à l’inauguration de la statue d’Ernest Renan.djvu/36

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n’est pas, à vrai dire, une démocratie. C’est un gouvernement aristocratique d’un caractère très particulier, puisque le prince y prend un savant pour premier ministre et qu’il est lui-même un savant. Ce prince se nomme Prospéro, et Renan, après Shakespeare, le tient pour habile et vertueux. Au contraire, Renan, comme Shakespeare, se défie de Caliban. Caliban, fils de Sycorax, a les oreilles pointues et un crâne de gorille. Il est informe et velu. C’est le peuple ignorant. Renan voulait que Caliban attendît, pour s’emparer du gouvernement, que ses oreilles s’accourcissent et que son cerveau s’enrichît de circonvolutions nouvelles. Mais Caliban n’attendit pas. Il renversa Prospéro dont il prit la place. Renan s’en consola et il ne souhaita pas que Prospéro fût restauré.

« J’aime Prospéro, dit-il, mais je n’aime