Page:Anatole France - Discours prononcé à l’inauguration de la statue d’Ernest Renan.djvu/47

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terre. J’ai visité les humanistes et les philosophes dans leurs cellules, où ils gardaient précieusement quelques livres au fond d’un coffre, les peintres et les sculpteurs dans leurs ateliers qui n’étaient que de pauvres boutiques d’artisans. Quelques-uns se firent brûler vifs plutôt que de me désavouer. D’autres, à l’exemple d’Érasme, échappaient par l’ironie à leurs stupides adversaires. L’un d’eux, qui était moine, riait parfois d’un rire si gros en contant des histoires de géants, que mes oreilles s’en seraient offensées, si je n’avais pas su que parfois la folie est sagesse. Peu à peu, mes fidèles grandirent en force et en nombre. Les Français, les premiers, m’élevèrent des autels. Et tout un siècle de leur histoire m’est dédié.

» Depuis lors, depuis que la pensée, dans ses hautes régions, est libre, je reçois sans cesse l’hommage des savants, des artistes et