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Ces évêques, imposés par le pouvoir civil, avaient à cœur de se faire pardonner leur origine : aussitôt nommés, ils faisaient éclater un ultramontanisme guerrier et traitaient la République en ennemie. C’était à ne plus savoir comment s’y prendre. L’entente préalable, comme on disait, et l’intervention du Nonce dans le choix des évêques n’en constituait pas moins un abus fâcheux et consacrait l’ingérence d’un souverain étranger dans le gouvernement de la République.

Il faut rendre cette justice à l’Église romaine, qu’elle garda toute son indépendance à l’endroit des républicains libéraux, des philosophes spiritualistes et des doux juifs qui avaient fait en sa faveur un tel abandon des droits de l’État.

Il n’est pas vrai, comme on l’a dit, qu’elle condamne l’État républicain. Elle considère, au contraire, que le pouvoir dans une République comme dans une Monarchie vient de Dieu, qui l’institua pour le soulagement ou pour le châtiment des peuples, et dans tous les cas pour leur salut, car il est salutaire aux coupables d’être punis. Les bons pouvoirs sont fidèles à leur divine origine : ce sont les théocraties. Les mauvais pouvoirs l’oublient ou la nient. Ils livrent soit au tyran soit aux peuples une part des droits qui appartiennent à Dieu. Les peuples doivent une égale obéissance à tous les pouvoirs, aux pires comme aux meilleurs. L’Église a seule le droit de déposer les mauvais princes et de mettre à mort les tyrans. Telle est la pure doctrine.