Page:Anatole France - L’Église et la République.djvu/36

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L’Église n’estime pas que la République soit mauvaise en soi. Mais elle la juge mauvaise quand elle institue la liberté de conscience, la liberté de l’enseignement et la liberté de la presse. Dès lors, comment s’étonner que l’Église s’efforçât de renverser cette République, de tous les États modernes le plus détestable à ses yeux, puisqu’il était le plus laïque et se proposait de rendre aux laïques l’enseignement, la justice et l’assistance ? Toute son espérance était à Frohsdorf où sommeillait et chassait l’enfant du miracle que, soixante ans auparavant, Dieu avait donné à la France pour la sauver.

Les mornes élections de 1871, faites sous les canons allemands, furent son premier triomphe. Les paysans voulaient la paix. Craignant les républicains toujours coiffés, comme Victor Hugo, du képi de la défense nationale, ils choisirent de préférence de vieux monarchistes, innocents des fautes de l’Empire et des défaites de la République. De leurs votes pacifiques sortit l’assemblée qui voua la France au Sacré-Cœur. Évêques, moines et curés, à l’ombre de cette assemblée, travaillaient au rétablissement de la Monarchie. Les paysans les laissaient faire, préférant les bleus aux rouges et craignant moins le rétablissement de la dîme que le partage des biens. La Commune de Paris écrasée, quatre-vingt mille prolétaires massacrés, la République ne tenait plus que par un petit vieillard habile, égoïste, cruel, le président Thiers, qui la défendait sans générosité, sans honneur, mais âprement et subtilement comme son bien. Thiers