Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/60

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Ce poète fluet courtise les femmes et les muses, mais il se ménage beaucoup, dit-on, dans ce double commerce. Scarron dit de ce gentilhomme à amourettes et à madrigaux que les muses ne le nourrissent que de blanc manger et de bouillon de poulet. Voici ce qu’il écrit à Francine :

Bien souvent l’amitié s’enflamme ;
Et je sens qu’il est mal aisé
Que l’ami d’une belle dame
Ne soit un amant déguisé.



M. de Charleval est volage, et il y a peu de jours que, du fond de son parc, il écrivait à une autre belle dame qui lui reprochait son absence :

Au doux bruit des ruisseaux dans les bois je respire.
C’est là que, sur les fleurs, je viens me reposer ;
Je ne quitterais pas ces lieux pour un empire,
Mais je les quitterais, Iris, pour un baiser.



Pendant ce temps, le cul-de-jatte était en commerce réglé de galanterie avec Mme  de Sévigné. Après la mort du marquis de Sévigné, il envoya à la belle veuve ses compliments de condoléance. Il regrettait, disait-il, de ne pouvoir la revoir avant de mourir. La marquise lui répondit qu’elle irait le voir à son retour des Rochers et qu’il voulût bien ne pas mourir auparavant. Le poète lui répondit à son tour qu’avec tout son régime il se mourait d’impatience de la voir. Elle lui fit visite et lui donna à baiser ses beaux bras, « qu’elle ne tenait pas pour trop chers », disait son cousin.