Page:Anatole France - Le Génie latin.djvu/72

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Il semble d’abord extraordinaire qu’une guêpe s’occupe à lécher l’ours ; mais, si cette guêpe est juge, la chose sera fort explicable, au figuré. 11 s’agit de la guêpe devant laquelle la cause des mouches à miel est portée. Une abeille se plaint des lenteurs de la procédure :

Depuis tantost six mois que la cause est pendante, Nous voicy comme aux premiers jours. Pendant cela le miel se gaste.

Il est temps désormais que le juge se haste : N’a-t-il point assez léché l’ours ?

(i, 21.)

La prudente abeille qui parle ainsi a appris dans le Pantagruel comment les procès « viennent à perfection », selon la doctrine de Bridoye. Ce bon Bri-doye expose cette doctrine au moyen d’une image, en comparant un procès à un ours.

« Un procès, à sa naissance première, me semble (comme à vous aultres, messieurs) informe et imperfaict. Comme un ours naissant n’a pieds ne mains, peau, poil ne teste : ce n’est qu’une pièce de chair rude et informe. L’ourse, à force de leicher, la mect en perfection de membres… Ainsi voy-je (comme vous aultres, messieurs) naistre les procès à leurs commencemens informes et sans membres. Hz n’ont qu’une pièce ou deux : c’est pour lors une laide beste. Mais lors qu’ilz sont bien entassez, enchâssez et ensachez, on les peut vrayement dire membruz et formez. »

(Pantagruel, m, 42.)

Le verbe se prélasser ne se lit, je crois, que dans le Pantagruel, Montaigne ayant dit, plus régulièrement, se prélater ; mais il serait aventureux de dire que La