Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/178

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— J’ai moi-même, hier, lui dit miss Bell, engagé M. Dechartre à venir au palais Albertinelli. Je savais vous faire plaisir. Il désirait voir votre galerie.

Et c’était vrai que Dechartre avait désiré s’y trouver avec madame Martin. Maintenant, tous quatre, ils allaient parmi les Guide et les Albane.

Miss Bell gazouillait au prince de jolies choses sur ces vieillards et ces vierges dont les manteaux bleus étaient agités par une tempête immobile. Dechartre, pâle, énervé, s’approcha de Thérèse et lui dit tout bas :

— Cette galerie est un dépôt où les marchands de tableaux du monde entier accrochent le rebut de leurs magasins. Et le prince y vend ce que des juifs n’avaient pu vendre.

Il la conduisit devant une sainte famille exposée sur un chevalet drapé de velours vert, et portant sur la bordure le nom de Michel-Ange.

— J’ai vu cette sainte famille chez des marchands de Londres, de Bâle et de Paris. Comme ils n’en ont pas trouvé les vingt-cinq louis qu’elle vaut, ils ont chargé le dernier des Albertinelli d’en demander cinquante mille francs.

Le prince, les voyant chuchoter, et devinant assez bien ce qu’ils disaient, s’approcha très gracieux.

— Il existe une réplique de ce tableau qu’on