Page:Anatole France - Le Lys rouge.djvu/308

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

meubles avec une tendresse familière. Il ouvrit un tiroir du secrétaire :

— Tenez, les lunettes de maman. Ce qu’elle les a cherchées, ses lunettes ! Maintenant, je vais vous montrer ma chambre. Si elle n’est pas bien faite, vous excuserez madame Fusellier, que j’ai instruite à respecter mon désordre.

Les rideaux des fenêtres étaient baissés. Il ne les releva pas. Au bout d’une heure, elle-même écarta les pans du satin rouge ; des rais de lumière éblouirent ses yeux et se répandirent dans ses cheveux défaits. Elle chercha une glace, et ne trouva qu’un miroir de Venise, terne dans sa large bordure d’ébène. Se haussant sur la pointe des pieds pour s’y voir :

— Est-ce moi, demanda-t-elle, ce spectre sombre et lointain ? Celles qui se sont mirées dans cette glace n’ont pas dû vous en faire de grands compliments.

Comme elle prenait des épingles sur la table, elle remarqua un petit bronze qu’elle n’avait pas encore vu. C’était un vieil ouvrage italien, de goût flamand : une femme nue, les jambes courtes, le ventre lourd et plissé, qui avait l’air de courir, le bras étendu. Elle trouvait à cette figure un air canaille et drôle. Elle demanda ce qu’elle faisait.