Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/105

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carême. Mais dès le matin de Pâques, quand les cloches de Saint-Benoît-le-Bétourné annonçaient la joie de la Résurrection, mon père embrochait poulets, canards et pigeons par douzaines, et Miraut, au coin de la cheminée flambante, respirait la bonne odeur de la graisse en remuant la queue avec une allégresse pensive et grave. Vieux, fatigué, presque aveugle, il goûtait encore les joies de cette vie dont il acceptait les maux avec une résignation qui les lui rendait moins cruels. C’était un sage, et je ne suis pas surpris que ma mère associât à ses œuvres pies une créature si raisonnable.

Après avoir entendu la grand’messe, nous dînions dans la boutique bien odorante. Mon père apportait à ce repas une joie religieuse. Il avait communément pour convives quelques clercs de procureur et mon bon maître, M. l’abbé Coignard. À Pâques de l’an de grâce 1725, il m’en souvient, mon bon maître nous amena M. Nicolas Cerise qu’il avait tiré d’une soupente de la rue des