Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/129

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son côté. L’entretien qui avait rempli le dîner de midi me revenant à l’esprit :

— Monsieur l’abbé, demandai-je à ce bon maître, vous parliez tantôt des ministres. Ceux du roi n’imposaient à votre esprit ni par leur habit et leur carrosse, ni par leur génie, et vous les jugiez avec la liberté d’une âme que rien n’étonne. Puis, considérant le sort de ces officiers dans l’état populaire (s’il venait jamais à s’établir), vous nous les représentiez misérables à l’excès, et moins dignes de louanges que de pitié. Seriez-vous contraire aux gouvernements libres, renouvelés des républiques de l’antiquité ?

— Mon fils, répondit mon bon maître, je suis de moi-même enclin à aimer le gouvernement populaire. L’humilité de ma condition m’y porte, et les Saintes Écritures, dont j’ai fait quelque étude, m’affermissent dans cette préférence, car le Seigneur a dit dans Ramatha : « Les anciens d’Israël veulent un roi afin que je ne règne point sur eux. Or,