Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

est vide, et le tabac est l’endroit par lequel je sens le plus impatiemment ma pauvreté.

Autant pour détourner sa pensée de cette disgrâce intime que pour m’instruire à son école, je lui demandai si la guerre civile ne lui semblait pas la plus détestable espèce de guerre.

— Elle est, me répondit-il, assez odieuse, mais non point très inepte, car les citoyens, lorsqu’ils en viennent aux mains entre eux, ont plus de chances de savoir pourquoi ils se battent que dans le cas où ils vont en guerre contre des peuples étrangers. Les séditions et querelles intestines naissent généralement de l’extrême misère des peuples. Elles sont l’effet du désespoir, et la seule issue qui reste aux misérables, qui y peuvent trouver une vie meilleure et parfois même une part de souveraineté. Mais il est à remarquer, mon fils, que plus les révoltés sont malheureux et partant excusables, moins ils ont de chances de gagner la partie. Affamés et stupides, armés de leur seule