Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/189

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brodé et il était plus honoré dans l’État qu’un savant prêtre. C’est cette rudesse que je ne puis souffrir dans l’armée.

Mon bon maître, à ces mots, s’étant arrêté pour souffler, je lui demandai s’il ne pensait pas, en dépit de l’ignorance de ce capitaine, qu’il faut beaucoup d’esprit pour gagner des batailles. Il me répondit en ces termes :

— Tournebroche, mon fils, à considérer la difficulté qu’il y a à rassembler et à conduire des armées, les connaissances qu’il faut dans l’attaque ou la défense d’une place et l’habileté qu’exige un bon ordre de bataille, on reconnaîtra aisément qu’un génie presque surhumain, tel que celui d’un César, est seul capable d’une telle entreprise, et l’on s’étonnera qu’il se soit trouvé des esprits propres à renfermer presque toutes les parties d’un véritable homme de guerre. Un grand capitaine connaît non seulement la figure des pays, mais encore les mœurs, les industries des peuples. Il retient dans sa