Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/203

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inspire aux barons allemands, aux colonels de l’armée russe et aux milords anglais. Ces Européens n’estiment rien au-dessus de nos académiciens et de nos danseuses. J’ai connu une princesse sarmate d’une grande beauté qui, de passage à Paris, recherchait impatiemment un académicien, quel qu’il fût, pour lui immoler aussitôt sa pudeur.

— S’il en est ainsi, m’écriai-je, comment les académiciens risquent-ils de compromettre leur bonne renommée par ces mauvais choix qu’on blâme si généralement ici ?

— Holà ! Tournebroche, mon fils, répliqua mon bon maître, ne disons pas de mal des mauvais choix. D’abord il faut, dans toutes les choses humaines, faire la part du hasard, qui est, à tout prendre, la part de Dieu sur la terre et le seul endroit par où la Providence divine se manifeste clairement en ce monde. Car vous entendez bien, mon fils, que ce qu’on appelle absurdités du sort et caprices de la fortune ne sont en réalité