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purs de l’armée des impurs, ni seulement distinguer le côté du juste du côté de l’injuste. En sorte qu’il faut bien que le succès demeure le seul juge de la bonté d’une cause. Je vous fâche, monsieur Rockstrong, en disant qu’on est rebelle quand on est vaincu. Pourtant, lorsqu’il vous arriva de monter au pouvoir, vous n’endurâtes point la rébellion.

— L’abbé, vous ne savez ce que vous dites. J’ai toujours eu hâte de passer du côté des vaincus.

— Il est vrai, monsieur Rockstrong, que vous êtes un naturel et constant ennemi de l’État. Vous êtes endurci dans votre inimitié par la force de votre génie, qui se plaît aux ruines et s’amuse à détruire.

— L’abbé, m’en faites-vous un crime ?

— Monsieur Rockstrong, si j’étais un homme d’État et un ami du prince, à la façon de M. Roman, je vous tiendrais pour un illustre criminel. Mais je ne professe pas avec assez de ferveur la religion des politiques