Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

prennent toute la liberté dont ils peuvent jouir, ou, pour mieux dire, ils réclament impérieusement des institutions en reconnaissance et garantie des droits qu’ils ont acquis par leur industrie.

» Toute liberté vient d’eux et de leurs propres mouvements. Leurs gestes les plus instinctifs élargissent le moule de l’État qui se forme sur eux[1]. En sorte qu’on

  1. Au temps de M. l’abbé Coignard les Français se croyaient déjà libres. Le sieur d’Alquié écrivait en 1670 :

    « Trois choses rendent un homme heureux en ce monde, sçavoir la douceur de l’entretien, les mets délicats et la liberté entière et parfaite. Nous avons veu comme quoy nostre illustre royaume a parfaitement satisfait aux deux premiers, ainsi qu’il ne reste maintenant qu’à montrer que le troisième ne luy manque pas, et que la liberté ny est pas moins que les deux advantages précédans. La chose vous paraistra d’abord véritable, si vous considérez attentivement le nom de nostre Estat, le sujet de sa fondation, et sa pratique ordinaire : car on remarque d’abord que ce nom de France ne signifie autre chose que Franchise et liberté, conformément au dessein des fondateurs de cette Monarchie, lesquels ayant une âme noble et généreuse, et ne pouvant souffrir ny l’esclavage ny la moindre servitude se résolurent de secouer le joug de toute sorte de captivité, et d’estre aussi libres que les hommes le peuvent estre ; c’est pourquoy ils s’en vinrent dans les Gaules qui