Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/236

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est tout à fait arbitraire. Il en résulte que, loin d’être une science, l’histoire est condamnée, par un vice de nature, au vague du mensonge. Il lui manquera toujours la suite et la continuité sans lesquelles il n’est point de connaissance véritable. Aussi bien voyez-vous qu’on ne peut tirer des annales d’un peuple aucun pronostic pour son avenir. Or, le propre des sciences est d’être prophétiques, comme il se voit par les tables où les lunaisons, les marées et les éclipses se trouvent calculées à l’avance, tandis que les révolutions et les guerres échappent au calcul.

M. Roman représenta à M. l’abbé Coignard qu’il ne demandait à l’histoire que des vérités confuses, il est vrai, incertaines, mélangées d’erreur, mais infiniment précieuses par leur objet, qui est l’homme.

— Je sais, ajouta-t-il, combien les annales humaines sont mêlées de fables et tronquées. Mais à défaut d’une suite rigoureuse de causes et d’effets, j’y découvre une