Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/251

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Vraiment, votre candeur m’étonne ; vous avez peu l’idée de ce qu’est l’homme, de ce que sont les sociétés, et du bouillonnement de la chair dans une grande ville. Oh ! les innocents barbons qui, dans toutes les impuretés de Babylone, où les rideaux se soulèvent de toutes parts pour laisser voir l’œil et le bras des prostituées, où les corps trop pressés se frottent et s’échauffent les uns les autres sur les places publiques, vont se plaindre et gémir de quelques méchantes images suspendues aux échoppes des libraires, et portent jusqu’au Parlement du royaume leurs lamentations, quand dans un bal une fille a montré à des garçons sa cuisse, qui est précisément pour eux l’objet le plus commun du monde.

Ainsi parlait mon bon maître, debout sur son échelle. Mais M. Nicodème se bouchait les oreilles pour ne pas l’entendre et criait au cynisme.

— Ciel ! soupirait-il, quoi de plus dégoûtant qu’une femme nue, et quelle honte de