Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/43

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ajustés à la nation comme des habits au corps d’un homme.

« Le malheur, ajoutait-il, est qu’il en va des peuples comme d’Arlequin et de Gilles à la foire. Leur habit est d’ordinaire ou trop lâche ou trop serré, incommode, ridicule, miteux, couvert de taches, et tout grouillant de vermine. On y peut remédier en le secouant avec prudence, et en y portant çà et là l’aiguille et au besoin les ciseaux très délicatement, pour n’avoir pas à faire les frais d’un autre aussi mauvais, mais sans s’obstiner non plus à garder l’ancien après que le corps a changé de forme avec l’âge. »

On voit par là que M. l’abbé Coignard conciliait l’ordre et le progrès et qu’il n’était pas, en somme, un mauvais citoyen. Il n’excitait personne à la révolte et souhaitait que les institutions fussent usées et limées par un frottement continu plutôt que renversées et brisées à grands coups. Il faisait observer sans cesse à ses disciples que les plus âpres lois se polissaient merveilleu-