Page:Anatole France - Les Opinions de Jérôme Coignard.djvu/79

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» — Plût à Dieu que je fusse morte il y a trois ans !

» Le saint homme Abraham prit soin de prendre le langage d’un galant cavalier comme il en avait pris l’habit :

» — Ma fille, dit-il, je viens ici non pour pleurer tes péchés mais pour partager ton amour.

» Mais quand l’hôtelier l’eut laissé seul avec Marie, il cessa de feindre et, levant son chapeau, il dit en pleurant :

» — Ma fille Marie, ne me reconnaissez-vous pas ? Ne suis-je pas Abraham qui vous ai tenu lieu de père ?

» Il lui prit la main et l’exhorta toute la nuit au repentir et à la pénitence. Surtout il eut soin de ne point la désespérer. Il lui répétait sans cesse : « Ma fille, il n’y a que Dieu d’impeccable ! »

» Marie avait l’âme naturellement douce. Elle consentit à retourner auprès de lui. Quand le jour se leva, ils partirent. Elle voulait emporter ses robes et ses bijoux.