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LES DIEUX ONT SOIF

suppléant à la Convention, ne faisait point payer ses visites.

La citoyenne Thévenin, enfant de la balle, était partout chez elle ; mal contente de la façon dont la Tronche avait lavé la vaisselle, elle essuyait les plats, les gobelets et les fourchettes. Pendant que la citoyenne Poitrine faisait cuire la soupe, qu’elle goûtait en bonne hôtelière, Élodie coupait en tranches un pain de quatre livres encore chaud du four. Gamelin, en la voyant faire, lui dit :

— J’ai lu, il y a quelques jours, un livre écrit par un jeune Allemand dont j’ai oublié le nom, et qui a été très bien mis en français. On y voit une belle jeune fille nommée Charlotte qui, comme vous, Élodie, taillait des tartines et, comme vous, les taillait avec grâce, et si joliment qu’à la voir faire le jeune Werther devint amoureux d’elle.

— Et cela finit par un mariage ? demanda Élodie.

— Non, répondit Évariste ; cela finit par la mort violente de Werther.

Ils dînèrent bien, car ils avaient grand’faim ; mais la chère était médiocre. Jean Blaise s’en plaignit : il était très porté sur sa bouche et faisait de bien manger une règle de vie ; et, sans doute, ce qui l’incitait à ériger sa gour-