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LES DIEUX ONT SOIF

politique que celle de Louis XIV ! Il règne dans le Tribunal révolutionnaire un sentiment de basse justice et de plate égalité qui le rendra bientôt odieux et ridicule et dégoûtera tout le monde. Savez-vous, Louise, que ce tribunal, qui va appeler à sa barre la reine de France et vingt et un législateurs, condamnait hier une servante coupable d’avoir crié : « Vive le roi ! » avec une mauvaise intention et dans la pensée de détruire la République ? Nos juges, tout de noir emplumés, travaillent dans le genre de ce Guillaume Shakespeare, si cher aux Anglais, qui introduit dans les scènes les plus tragiques de son théâtre de grossières bouffonneries.

— Eh bien, Maurice, demanda la citoyenne, êtes-vous toujours heureux en amour ?

— Hélas ! répondit Brotteaux, les colombes volent au blanc colombier et ne se posent plus sur la tour en ruines.

— Vous n’avez pas changé… Au revoir mon ami !


Ce soir-là, le dragon Henry, s’étant rendu, sans y être prié, chez Madame de Rochemaure, la trouva qui cachetait une lettre sur laquelle il lut l’adresse du citoyen Rauline, à Vernon. C’était, il le savait, une lettre pour l’Angleterre. Rauline recevait par un postillon des messageries