Page:Anatole France - Les dieux ont soif.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
176
LES DIEUX ONT SOIF

Blaise, préparer la défaite, perdre la République ! Il fallait faire un exemple. Mais si Guillergues était innocent ?…

— Il n’y a pas de preuves, dit Gamelin, à haute voix.

— Il n’y a jamais de preuves, répondit en haussant les épaules le chef du jury, un bon, un pur.

Finalement, il se trouva sept voix pour la condamnation et huit pour l’acquittement.

Le jury rentra dans la salle et l’audience fut reprise. Les jurés étaient tenus de motiver leur verdict ; chacun parla à son tour devant le fauteuil vide. Les uns étaient prolixes ; les autres se contentaient d’un mot ; il y en avait qui prononçaient des paroles inintelligibles.

Quand vint son tour, Gamelin se leva et dit :

— En présence d’un crime si grand que d’ôter aux défenseurs de la patrie les moyens de vaincre, on veut des preuves formelles que nous n’avons point.

À la majorité des voix, l’accusé fut déclaré non coupable.

Guillergues fut ramené devant les juges, accompagné du murmure bienveillant des spectateurs qui lui annonçaient son acquittement. C’était un autre homme. La sécheresse de ses traits s’était fondue, ses lèvres s’étaient amollies.