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LES DIEUX ONT SOIF

— Vous, vous avez été riche.

— Qu’est-ce qui te le fait croire ?

— Je ne sais pas. Mais vous avez été riche et vous êtes un aristocrate, j’en suis sûre.

Elle tira de sa poche une petite Sainte-Vierge en argent dans une chapelle ronde d’ivoire, un morceau de sucre, du fil, des ciseaux, un briquet, deux ou trois étuis et, après avoir fait le choix de ce qui lui était nécessaire, elle se mit à raccommoder sa jupe, qui avait été déchirée en plusieurs endroits.

— Pour votre sûreté, mon enfant, mettez ceci à votre coiffe ! lui dit Brotteaux, en lui donnant une cocarde tricolore.

— Je le ferai volontiers, monsieur, lui répondit-elle ; mais ce sera pour l’amour de vous et non pour l’amour de la nation.

Quand elle se fut habillée et parée de son mieux, tenant sa jupe à deux mains, elle fit la révérence comme elle l’avait appris au village et dit à Brotteaux :

— Monsieur, je suis votre très humble servante.

Elle était prête à obliger son bienfaiteur de toutes les manières, mais elle trouvait convenable qu’il ne demandât rien et qu’elle n’offrît rien : il lui semblait que c’était gentil de se quitter de la sorte, et selon les bienséances.