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LES DIEUX ONT SOIF

Elle ne voyait pas où tendait la question de son amant et était à mille lieues de soupçonner que ce Maubel, dont elle n’avait jamais entendu parler, dût comparaître devant le Tribunal révolutionnaire ; elle ne comprenait rien aux soupçons dont on l’obsédait, mais elle les savait mal fondés. C’est pourquoi, n’ayant guère d’espoir de les dissiper, elle n’en avait guère envie non plus. Elle cessa de se défendre d’avoir connu un Maubel, préférant laisser le jaloux s’égarer sur une fausse piste, quand, d’un moment à l’autre, le moindre incident pouvait le mettre sur la véritable voie. Son petit clerc d’autrefois, devenu un joli dragon patriote, était brouillé maintenant avec sa maîtresse aristocrate. Quand il rencontrait Élodie, dans la rue, il la regardait d’un œil qui semblait dire : « Allons ! la belle ; je sens bien que je vais vous pardonner de vous avoir trahie, et que je suis tout près de vous rendre mon estime. » Elle ne fit donc plus effort pour guérir ce qu’elle appelait les lubies de son ami ; Gamelin garda la conviction que Jacques Maubel était le corrupteur d’Élodie.


Les jours qui suivirent, le Tribunal s’occupa sans relâche d’anéantir le fédéralisme, qui, comme une hydre, avait menacé de dévorer la