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LES DIEUX ONT SOIF

Cette voix fut étouffée sous les huées ; des cris retentirent :

— À bas les terroristes ! Mort aux jacobins !

Et Lays, rappelé, chanta une seconde fois, l’hymne des thermidoriens :

Peuple français, peuple de frères !…

Dans toutes les salles de spectacle on voyait le buste de Marat élevé sur une colonne ou porté sur un socle ; au Théâtre Feydeau, ce buste se dressait sur un piédouche, du côté « jardin », contre le cadre de maçonnerie qui fermait la scène.

Tandis que l’orchestre jouait l’ouverture de Phèdre et Hippolyte, un jeune muscadin, désignant le buste du bout de son gourdin, s’écria :

— À bas Marat !

Toute la salle répéta :

— À bas Marat ! À bas Marat !

Et des voix éloquentes dominèrent le tumulte :

— C’est une honte que ce buste soit encore debout !

— L’infâme Marat règne partout, pour notre déshonneur ! Le nombre de ses bustes égale celui des têtes qu’il voulait couper.

— Crapaud venimeux !

— Tigre !

— Noir serpent !