Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/169

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teraient vraisemblablement quelque témoignage de l’impression produite sur les esprits par les principaux épisodes de la guerre.

Telle qu’on la découvrit dans les archives de la famille Austen et telle qu’on la publia, cette correspondance ne justifia point l’intérêt que l’annonce de sa publicalion avait excité. L’impression de désappointement fut générale ; l’œuvre de Jane Austen n’était mentionnée que rarement dans les lettres ; pas une trace de l’agitation et des angoisses d’une époque troublée n’altérait la sereine et souvent frivole gaieté d’un gentil bavardage dont une robe nouvelle, un bal plein d’entrain, et les promotions de Charles et de Francis Austen formaient les principaux sujets. Une seule chose vraiment intéressante pouvait être découverte dans cette correspondance, mais ne le fut pas tout d’abord : le reflet d’une âme féminine qui s’y révèle dans toute sa sincérité, avec quelques petits défauts charmants et certaines qualités précieuses. De la lecture de ces pages souvent insignifiantes, se dégage peu à peu — comme se ravive à l’air le parfum d’un éventail ancien ou d’une dentelle jaunie — l’image d’une créature souriante et vive, frivole sans excès et sensée sans raideur, parfaitement heureuse dans le milieu où elle vit et dont elle accepte sans discussion, presque sans examen, les idées et les opinions. Incapable de s’élever jusqu’à une émotion profonde ou jusqu’à de hautes pensées, elle juge avec pénétration, sûreté et délicatesse les objets à portée de sa vue et assaisonne ses jugements du sel de l’humour le plus discrètement subtil. Que ses livres soient mentionnés rarement dans ses lettres, cela mérite-t-il bien qu’on s’en étonne ? Jane Austen ne leur donne-t-elle pas là la même place que dans sa vie ? Toujours et sans effort ses affections de famille demeurèrent au premier plan de son existence, intimement liées à ses modestes joies, à ses passagères inquiétudes, à tous les petits incidents qu’elle notait et détaillait avec un intérêt toujours en éveil. Peut-être, parmi les lettres qu’écrivit Jane Austen,