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et de chiens, ils donnaient rarement une pensée aux expéditions lointaines, à la lutte soutenue par l’Angleterre contre la France révolutionnaire, puis contre un « parvenu », Napoléon, qu’ils désignaient du surnom familier et méprisant de « Boney ». Les grandes questions de la politique nationale, les grands événements qui ébranlaient les nations étrangères, étaient pour eux moins importants que les questions touchant au gouvernement du comté ou aux lois contre le braconnage. « Est-ce Paris qui est en France, ou la France qui est à Paris? » demanda un jour un « squire » des environs au révérend George Austen. [1]

Malgré la supériorité que possédait la famille du pasteur sur des voisins capables de poser de telles questions, l’influence d’un milieu ignorant toute curiosité désintéressée explique et justifie dans une certaine mesure le silence de Jane Austen sur bien des sujets. On ne peut s’empêcher de sourire en relevant dans une lettre datée du 8 janvier 1799, le nom d’un « bonnet à la mameluk », dont elle compte se parer pour un bal le soir même. Quelques mois seulement se sont écoulés depuis la bataille d’Aboukir, et Jane Austen, toute sœur de marins qu’elle soit, ne dit pas un mot de la victoire dont se réjouit alors l’Angleterre. Elle n’ignore pas que les coiffures « à la mameluk » sont à la mode depuis la victoire de Nelson en Égypte, mais elle s’inquiète moins de ce fait que de s’assurer si le bonnet en question sied vraiment à son joli visage. En donnant à Cassandre des nouvelles de ses deux frères, elle ne dit jamais rien qui ne concerne directement Francis ou Charles : « Contentez-vous de savoir », écrit-elle en novembre 1800, « que le « petrel » (sur lequel Francis Austen était alors embarqué) était au large de Chypre le 8 juillet avec le reste de l’escadre d’Égypte. De là, il s’est rendu à Jaffa pour se ravitailler, etc., et a mis à la voile, après un jour ou deux pour Alexandrie

  1. Memoir of Jane Austen. Page 9.