Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/184

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la maturité. Car cette œuvre brillante est en même temps remarquable par l’harmonie de sa composition et surtout par cette « sanity » — bon sens et équilibre parfait de toutes les facultés — qui sera dès lors la qualité maîtresse du talent de Jane Austen. Le caractère des personnages ne nous est pas connu seulement dans ses manifestations extérieures ; l’action et la parole nous le révèlent, et nous assistons aussi au lent et sourd travail intérieur qui précède et prépare l’action. Lorsqu’il s’agit de personnages de premier plan, nous pénétrons le secret de leur pensée et quand nous lisons le récit de leurs aventures, nous sommes à la fois spectateurs et confidents. Double rôle qui n’est pas pour nous déplaire et n’enlève rien à l’intérêt de l’intrigue. Si bien que nous connaissions certains personnages il est, en effet, impossible de prévoir comment ils agiront. Mais chaque action nouvelle, chaque nouvel entretien, est si entièrement d’accord avec ce que nous savons déjà de tel ou tel personnage que nous ne pouvons concevoir rien de différent. On ne saurait imaginer aucun incident de l’intrigue sous un aspect autre que celui dont il est revêtu ; chacun d’eux semble nécessaire parce qu’il précise et développe notre connaissance des caractères et forme un nouveau degré dans la progression continue du récit. Grâce à cette admirable économie des moyens dont il plaît à Jane Austen de se servir, grâce aussi à son entente parfaite de la valeur du plus menu détail et de son importance par rapport à l’ensemble, le dénouement d’ « Orgueil et Parti pris » devient l’inévitable résultat de l’enchainement des circonstances, et clôt naturellement la série des actions et réactions produites par les événements sur l’esprit des divers personnages.

Le cadre des différentes scènes, les accessoires, tout ce qui pourrait détourner notre attention des personnages est réduit ici à l’indispensable. Comme dans une comédie de caractères, le milieu est indiqué seulement par les occupations et les entretiens des personnages; il n’y a pas de « décor » dans le roman, rien au delà des indications