Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/186

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

passe elle-même. Lorsqu’elle en éprouve les effets, elle s’étonne, ignorant quel pouvoir lui gagne tous les cœurs. Aussi n’est-ce pas la magnifique humilité de l’amour, mais la curiosité de son esprit toujours en éveil qui lui fait demander à son fiancé : « Comment avez-vous commencé à m’aimer ?… Vous étiez au début resté indifférent devant ma beauté, et quant à ma façon d’agir envers vous ! mon attitude frisait l’impolitesse, pour ne pas dire plus, et je ne vous adressais jamais la parole sans un certain désir de vous blesser. Soyez franc, m’avez-vous donc admirée pour mon impertinence ? » [1] Son bon sens et sa raison ne sauraient, en effet, lui expliquer l’influence du charme juvénile, de la grâce irrésistible qui accompagne toutes ses actions. À l’une de leurs premières rencontres, elle fait sentir à Darcy, avec une gentille malice, le ridicule de son air de supériorité et de son silence méprisant. Quel manège de coquette pourrait intéresser et amuser Darcy comme les spirituelles et rieuses critiques d’Elizabeth ? « Ils restèrent en face l’un de l’autre un moment sans dire un mot, et elle commença à croire que leur silence allait durer autant que les deux contredanses, puis, réFléchissant soudain qu’elle punirait bien plus son danseur en l’obligeant à causer, elle fit une observation insignifiante à propos du bal. Il y répondit et retomba dans son mutisme. Au bout de quelques minutes elle lui adressa la parole une seconde fois : C’est votre tour maintenant, Mr. Darcy, de dire quelque chose. J’ai parlé du bal, à vous de faire une remarque quelconque sur les dimensions de la salle, sur le nombre des danseurs. — Il sourit et lui répondit qu’il dirait tout ce qu’elle voudrait lui entendre dire. — Très bien, une réplique de ce genre suffira pour le moment. Peut-être dans un instant déclarerai-je qu’un bal chez des amis est plus agréable qu’un bal où l’on est exposé à rencontrer une société moins choisie, mais nous pouvons à présent nous taire. — Suivez-vous donc une règle

  1. Chap. LIX.